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Le pavillon des orchidés
Galerie Anne Voss, Dortmund, 2010
"Au 3 e mois de la 9e année de l’ère Yonghe (353), à la fin du printemps, nous nous sommes réunis au pavillon des Orchidées, situé dans le district de Shanyin qui dépend de la commanderie de Huiji, pour célébrer la fête de ce jour. De nombreux lettrés remarquables étaient venus ; jeunes et vieux étaient rassemblés. L’endroit était entouré de sommets escarpés, de forêt touffues et de hauts bambous ; des ruisseaux d’eau limpide brillaient dans les alentours. Cela nous amena à faire flotter des coupes le long d’un courant sinueux, au bord duquel nous nous sommes assis. Bien que nous n’eussions ni flûte ni cithare, à chaque coupe vidée le buveur chantait un poème, ce qui créait un atmosphère enjouée et raffinée. Le temps était très clair ce jour-là, et soufflait une légère brise bienveillante. Il suffisait de lever les yeux pour voir la grandeur de l’univers, et de les baisser pour observer la diversité des créations de la nature, si bien que laisser errer son regard et ses pensées réjouissait la vue et l’ouie. Croyez-moi, c’était un vrais plaisir.
Rester parmi les humains ne dure que le temps d’une seule existence. Certains expriment ce qui leur tient à cœur dans des conversations confinées dans une seule pièce. D’autres confient leurs sentiments à l’extérieur et leur laissent libre cours. Bien que ce qu’on éprouve soit fort varié et qu’il y ait une différence entre le calme et l’agitation, quand par chance quelqu’un prend plaisir à une rencontre et se sent content pendant un laps de temps, il ressent une telle satisfaction qu’il ne se rend plus compte que la vieillesse approche. Mais quand revient ce qui harasse, les sentiments changent avec les événements, et il se retrouve prisonnier du découragement. Ce qui le réjouissait en un instant n’est plus qu’un souvenir qui ne peut pas ne pas laisser de regrets. La vie, au cour de sa durée, évolue selon la nature pour finir par s’épuiser. Les anciens disaient : « La vie et la mort sont ce qu’il y a de plus important ». Comment ne pas en souffrir !
Chaque fois que je compare l’origine des sentiments chez les anciens avec ce que je ressens, c’est comme le recto et le verso d’une même chose. J’approche toujours leurs écrits avec un soupir de tristesse sans pouvoir m’expliquer pourquoi. En tout cas, je suis persuadé que considérer la vie et la mort comme une même réalité est vide de sens; mettre sur le même plan Pengzu et un enfant mort en bas age est se leurrer. Nos descendants auront le même regard sur nous que le nôtre sur ceux qui nous précédés. Quelle tragédie ! C’est pourquoi j’ai noté la liste de ceux qui étaient présent en ce jour et consigné par écrits les poèmes qu’ils avaient composés. Bien que les circonstances changent avec les générations, ce que les humains éprouvent reste toujours identique. Ainsi ceux qui plus tard liront ce recueil ressentiront la même émotion que la mienne dans ce texte".
D’après Wang Xizhi, Dynastie Jin orientale, 353
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